Un mois - Une histoire

mercredi 3 juin 2009

On déménage (encore ) !

Juste un message rapide pour signaler que dorénavant, les nouvelles seront ici : http://pookapuck.free.fr/.

Si j'étais de mauvaise foi, je pourrais dire qu'en fait, la nouvelle du mois y est depuis deux jours, que non non, je ne suis pas en retard ... mais ça serait même pas vrai, je suis vraiment à la bourre ce mois ci, mea culpa. Continuer la lecture ...

vendredi 1 mai 2009

Tout est calme

Beaucoup de choses à dire ce mois ci :

Déjà, désolée pour ceux qui seraient venus ici à minuit tapante, la nouvelle du mois n'était pas prête. Oui oui, il faudrait que j'apprenne à m'y prendre bien plutôt, mais écrire dans l'urgence, j'avoue que j'aime bien, ça met une pression supplémentaire. Qui plus est, même si, comme ce mois ci, j'ai l'idée assez tôt dans le mois, j'aime laisser l'idée germer dans mon esprit.

Donc, la nouvelle du mois. Elle est un peu particulière. Déjà, c'est une sorte d'hommage à un truc que j'avais vu à la télé, il y a très très longtemps et qui m'avait vraiment marqué. J'ai eu l'occasion de le revoir dernièrement, mais la magie n'opérait plus. Alors j'ai vite effacé cette absence de magie pour ne me rappeler que de mes premières impressions. Pour garder l'esprit de l'épisode en question, il n'y a pas vraiment de fin, et encore moins d'explication.

Qui trouvera en premier la série et l'épisode en question ?

Ensuite, et bien c'est un semi anniversaire puisqu'il y a un semestre que j'ai commencé à bloguer et à poster une nouvelle par mois. Pour tout vous avouer, je n'étais pas sûre du tout de réussir à tenir aussi longtemps.

Pour information, le blog va déménager (oui oui, encore). J'ai enfin trouvé le type de site que je désire avoir, ne sachant pas créer un blog de A à Z. Pour le trouver, c'est par ici. Notez qu'il n'est pas encore terminé d'être paramétré, que la nouvelle de ce mois ci n'est pas encore affichée etc.. Je pense qu'il sera opérationnel dans le courant du mois, mais de toute façon, je mettrai une note particulière sur ce blog pour le signaler.

Enfin, là maintenant Miss A. tu peux le dire, cette nouvelle est la sixième, ce qui veut dire que L'APO peut commencer. Rendez vous sur le lien pour plus d'explications.

Cela sera tout pour ce mois ci, merci à tous de venir prendre les temps de lire mes dérivations imaginatives, bonne lecture et au mois prochain.

- "Bien joué sergent ! La 15ème division aéroportée va pouvoir faire le ménage, reposez vous, vous l'avez bien mérité. Oh ! Tant que j'y pense : l'état major a fortement apprécié que vous sauviez les civils, en récompense, vous recevrez un nouvel équipement, prenez en soin. Ça sera tout, rompez sergent !"

Le lieutenant Hugues prit soin de bien choisir dans son équipement, sa prochaine mission n'était pas simple. D'après le compte rendu de ses supérieurs, il lui faudrait faire preuve de discrétion. Il sera aidé par la diversion créée par une escouade de commando, mais elle ne durerait pas longtemps. Enfin, l'état major avait toujours à dramatiser : on lui prévoyait tout le temps moults difficultés, alors qu'au final, en suivant toujours le même modus operandi, c'était "two fingers in the nose".

Le cri des armes se fait entendre au loin, l'escouade est déjà en place. Le lieutenant Hugues s'avance sans un bruit dans la forêt. Il peut déjà voir le bâtiment qu'il doit atteindre, là où se trouve sa cible. Après s'être rappelé qu'il ne devait pas la tuer mais juste la kidnapper, il s'arrête un instant, observant les allers et venus des soldats ennemis. Il regarde sa carte et planifie son approche. Un soldat est nonchalamment en train de fumer une cigarette, adossé contre un arme. Le lieutenant Hugues a un sourire carnassier : trop facile !

Il sort son silencieux et rampe en direction du côté du futur mort. Ces soldats étaient vraiment trop crétins : ils ne savent que regarder devant eux. Le lieutenant vise la tête, il faut éviter de gaspiller des munitions, il tire et "BIIIIP" ... Bip ?

Hugues fronce un instant des sourcils en regardant autour de lui. Il lui faut quelques secondes avant de se rappeler qu'il avait mis les restes de la semaine à réchauffer au micro onde. Le temps d'envoyer son avatar cacher le corps du soldat mort et il ferme son jeu "Soldat IV". De toute façon, il a vraiment faim là et il veux reprendre son travail.

Juste le temps d'attraper sa tambouille, il serait bien incapable de dire ce qu'il y a dedans, et il se remet devant son pc. Il engloutit distraitement son repas tandis qu'il revoit ce qu'il a déjà codé. Ce n'est pas un travail à proprement parlé, avec contrat et tout, juste un codage personnel, mais il aime le nommer ainsi. Au moins, quand ses parents s'inquiètent de ne pas le voir sortir de chez lui, il peut toujours leur rétorquer qu'il a du boulot à terminer. Il a bien un vrai travail, à domicile, mais c'était tellement sans intérêt et rapide à gérer, qu'il a tout son temps pour de vraies et bonne occupations.

Les rares contacts humains, IRL comme on dit, qu'il a, ont du mal à comprendre sa passion pour son ordinateur. Hugues ne compte plus les heures où il a passé à tenter de le leur expliquer, sans grande réussite, il faut bien l'avouer. Au final, il a coupé les ponts avec ces gens, après tout, s'ils veulent lui parler, ils savent comment faire : internet est là pour ça.

Le temps de terminer son assiette, Hugues a terminé de faire le point sur son programme. Ses applications de communication avec le monde extérieur sont ouverts, et il ne s'inquiète pas d'y voir personne. Il faut dire qu'à 4 heures du matin, c'est un peu logique. L'assiette repoussée sur un coin, il se concentre sur son écran, ses doigts s'activant sur le clavier, comme en totale autonomie et ce n'est que parce que ses yeux menacent d'imploser, tant sa fatigue est grande qu'il se décide à aller se coucher.

Il ne se lèvera pas avant le début de l'après midi, et ainsi les jours passent les uns après les autres, ne mettant que très rarement le nez dehors. Certains ne comprennent pas la vie d'Hugues, ne voyant pas en quoi une existence qui se déroule le nez sur l'écran peut être bénéfique pour quiconque. Pourtant, Hugues s'y complait, totalement. Ainsi, il n'a de compte à rendre à personne, pas de besoin de s'obliger à un code social. Les contacts qu'il a pu établir sur internet, au cours des années, et bien plus simple. Evidemment, il y a beaucoup de non dits, mais c'est aussi l'avantage de l'écran interposé : rien ne l'oblige à se dévoiler totalement, pas besoin de porter un masque pour cacher ses émotions, ce qu'il pense.

Il serait simple de cataloguer Hugues comme étant un associal, mais il n'est pas non plus un "handicapé social". Il sait communiquer avec les autres, certaines femmes le trouvent même attirant. Disons simplement que comme toute personne passionnée, il vit totalement la sienne, ses ordinateurs, la programmation, le jeu. Bien entendu, il lui faut sortir de temps en temps, ne serait ce que pour avoir de quoi s'alimenter, acheter des cigarettes. Pour ses courses, il avait pris pour habitude de les commander sur le net, comme ses habits d'ailleurs. Mais il avait dû concéder à accepter cette corvée sous la pression parentale. Pour ses parents, tant qu'il sortait, rien que pour les courses, il n'était pas totalement coupé du monde.

Cette corvée, il va devoir la faire aujourd'hui : les placards, comme le frigidaire sont desespérants vides. Il pourrait bien commander une pizza, comme il fait souvent quand il n'a pas le courage de sortir, mais d'une part, le tabac vient aussi à manquer, et d'autre part il n'y a de toute façon personne de connecté pour une partie en ligne ou simplement pour discuter.

Hugues attrape un jean, s'habille et c'est dans un grand soupir qu'il sort de chez lui. En sortant de son immeuble, ses yeux mettent quelques secondes à s'acclimater à la lumière. Avec son habitude de toujours tirer les rideaux chez lui, il vit quasiment tout le temps dans une demi pénombre. Au moins, il n'y a personne dans les rues, il ne risque pas d'entendre brailler sans arrêt autour de lui. Etonnant comme le bruit d'autres humains peut être dérangeant alors qu'il est capable d'écouter à fond sa musique. Il traverse la route sans faire attention, de toute façon, il n'y a aucune voiture pour arriver au débit de tabac.

Il s'étonne vaguement de ne pas entendre de musique dans le bar à côté mais ne s'y arrête pas plus que ça, son esprit s'égarant sur les prochaines lignes de code qu'il compte taper. Au bout d'un moment, il regarde sa montre pour s'apercevoir que ça doit bien faire une dizaine de minutes qu'il attends pour acheter ses clopes, et toujours personne à l'horizon pour le servir. Il tente de héler quelqu'un qui doit être dans l'arrière boutique, sûrement à dormir. N'ayant aucune réponse, il passe sa tête dans le bar à côté, ni voit personne. En fait, ce qu'il prenait pour un jour très calme dans la rue est un jour tout vide : il n'y a absolumment personne. Comme si toute la population avait disparu.

Hugues se gratte un instant la tête, essayant de comprendre ce qu'il se passe. Ce n'est pas possible que toute une population disparaisse comme ça tout de même ! Hésitant un moment, il finit par se décider à se servir et prends quelques paquets de cigarettes. Il laisse l'argent qu'il doit et part vers le supermarché, se disant que c'est peut être juste ce coin. Il n'a pas lu les rss des infos ces derniers jours, possible que le quartier soit bouclé pour x ou y raison, même s'il est étonnant que non seulement le débit de tabac soit toujours ouvert, et que personne ne soit venu taper à sa porte pour le prévenir.

Il a un léger sourire à cette pensée : si des gens étaient venus taper à sa porte très tôt le matin, il n'aurait de toute façon rien entendu. Enfin, de toute façon, le supermarché n'est pas loin, il y trouvera du monde et l'aventure sera terminé. Le sourire se transforme en rire : il faudra absolumment qu'il blogue ça en arrivant chez lui, cela fera bien rire ses cyberlecteurs, surtout Jojo_44, il est toujours en train d'écrire des blagues dans les commentaires qu'il ou elle laisse.

Le rire devient un peu plus aigre quand, arrivé au lieu prévu, il constate qu'il n'y a aucune activité. Aucune mère de famille avec ses lardons braillards collés aux basques, et poussant un caddie au moins aussi lourd qu'elle, pas de personne stressée poussant tout individu ayant le malheur d'être sur son chemin. Le vide est le même une fois entré à l'intérieur du supermarché : les frigidaires industriels tournent toujours, conservant les aliments, les lumières éclairent le tout, mais personne, pas la moindre âme qui vive.

C'est la tête remplie de questions qu'Hugues attrape un caddie, allant de rayon en rayon pour le remplir autant que possible. Il ne s'inquiète pas vraiment pour les raisons de cette absence d'habitants, juste sur le pourquoi du comment. Ne pouvant plus rien mettre dans son caddie, il sort du supermarché le poussant avec difficulté, tant il est plein, jusqu'à chez lui. Si jamais on l'interroge un jour sur ce vol, il ne pouvait s'empêcher d'appeler cela ainsi, il n'aurait aucun mal à expliquer la situation. Après tout, quand on pense être le seul être humain dans le quartier, on ne peut qu'avoir tendance à prendre certaines libertés.

Le voyage du retour ne se fait pas sans peine, le tabagisme, le manque d'habitude d'exercices physiques, et surtout le poids du caddie n'aidant en rien. C'est un Hugues très essouflé, exténué qui ouvre, enfin, la porte de son appartement.

Après s'être affalé sur son canapé, le temps de reprendre son souffle, il se décide à ranger ses courses, ainsi cela sera fait. Avec tout ce qu'il a prit, il en a pour des semaines sans avoir besoin d'y retourner, il aura juste besoin de ressortir pour ses clopes, et s'il n'y a toujours personne, alors il embarquera des cartons de cartouches, ainsi, il sera vraiment tranquille pour un long moment.

Les corvées étant enfin terminées, il s'installe devant son pc, commençant par voir s'il arrive à trouver la moindre info sur ce qu'il se passe dehors, c'est que ça le titille, un peu, quand même. Mais rien, absolumment rien. En fait, les dernières infos qu'il trouve remonte à trois jours, et pas seulement pour son pays, mais pour tous les pays dont il peut lire l'écriture. D'ailleurs, en y repensant, cela fait quelque temps qu'il n'a pas chatter avec quelqu'un que ce soit par messagerie instantanée. Enfin, il s'en préoccupera plus tard, pour le moment, il a ces lignes de code qu'il avait en tête tout à l'heure et il a bien envie de voir s'il arrive à imbriquer ça avec ce qu'il a déjà programmé.

Les jours passent, chacune ressemblant au précédent, et c'est seulement quand Hugues constate qu'il n'a plus aucun accès à internet qu'il se rappelle qu'il n'y a plus personne à l'extérieur. En même temps, pourquoi s'en faire ? D'accord, c'est dommage de ne plus pouvoir surfer, chatter etc., mais ce n'est pas comme s'il ne pouvait plus jouer sur l'un de ses pc ou bien programmer. Même si, évidemment, là, il se demande qui pourra voir la petite merveille qu'il est en train de coder. Et puis, il a toujours de quoi fumer, boire et manger. Il faudra d'ailleurs qu'il pense à faire attention la prochaine fois qu'il fera le plein de nourriture : il risque d'y avoir des aliments périmés.

Hugues aurait pu vivre ainsi pour le restant de son existence : il a tout ce dont il a besoin et ce, ô joie, sans voisin qui fait du bruit, sans parent pour lui rappeler l'importance d'une vie sociale, sans ex qui aimerait bien le voir sortir de sa pénombre, et qui sait, retenter une vie à deux. Non, Hugues, pour la première fois de sa vie, est vraiment heureux.

Seulement, comme sa connection internet qui aurait eu besoin de présences humaines pour éviter que le pilone ne viennent arracher les câbles et provoquer un incendie dans un quartier lointain. Les centrales électriques abandonnées par les mains humaines s'arrêtent une à une. Peut être est ce dû à un dysfonctionnement matériel, peut être, là aussi un incendie s'est déclarée, de multiples raisons sont possibles, toujours est il qu'elles ne fonctionnent plus.

Après des semaines, peut être même des mois, sans vie extérieure, Hugues perds la seule chose qu'il sait faire, qu'il aime faire : être devant son ordinateur. Il arrive bien à s'en arranger un jour ou deux, il a encore un portable avec une batterie pleine, mais cette dernière ne perdure pas, hélas. Il pourrait passer par une phase de colère, voir de déni, mais clairement, à quoi bon ? Et puis, le déni serait vraiment ridicule puisque non, son ordinateur ne s'allumera pas juste parce qu'il est persuadé qu'il y a encore de l'électricité.

Hugues s'allonge sur son lit, recroquevillé sur lui même. S'il n'était pas aussi effondré, s'il lui restait un semblant de cynisme, il écrirait "lol" sur un papier, pour cette blague de mauvais goût.
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mercredi 1 avril 2009

Lettre aux parents

Ce mois ci, la nouvelle est un peu compliquée à venir. Etant pas mal occupée, et surtout écrivant pas mal depuis le début du mois de mars pour un jeu de rôle, il semblerait que l'imagination a bien plus de mal à s'épanouir. Je ne sais pas si c'est lié, entre le jeu de rôle et l'écriture ici même, quoiqu'il en soit, j'ai eu beaucoup de mal à trouver un thème pour ce mois ci.

Raison pour laquelle j'ai lancé un appel au secours auprès de quelqu'un, afin d'avoir un thème, parfois ça aide d'avoir un truc imposé. La réponse a été, de mémoire, "j'aimerais voir ce que donnerait la guerre dans l'une de tes nouvelles". Ce ne sont pas les termes exacts, pardon Miss A., mais l'idée est là.

Donc acte. A cela, j'ajoute un style auquel je voulais m'essayer depuis un moment.

Edit après écriture : laborieux, très très laborieux, même de réussir à trouver le titre ...

Bonne lecture à vous, et au mois prochain.

Très chère maman,

Quand tu recevras cette lettre, tu auras appris ma mort. Te connaissant, tu auras sûrement lu en premier le télégramme, je ne t'annonce donc rien. Je t'imagine assise dans la cuisine. Papa, lui, doit être debout derrière toi, droit comme un piquet, rien n'apparait sur son visage. Il lit par dessus ton épaule, ses poings serrés. Est ce de la colère, de la tristesse, je sais pas, je n'ai jamais vraiment su ce qu'il pouvait ressentir.

Toi, ma chère maman, tu te tamponnes le visage à l'aide de ces grands mouchoirs sentant bon la lavande, comme ces petits sachets que tu mets toujours dans le linge pour qu'un doux parfum soit toujours sur nos vêtements. Tu as dû mettre quelques temps avant de commencer à lire cette lettre, comme pour faire reculer la réalité de ma mort. Je te vois murmurer des "mon tout petit" ou bien des "pourquoi ?"

Depuis longtemps, j'ai en sainte horreur que tu m'appelles ainsi. Pourtant, aujourd'hui, cela me manque. La chaleur de tes bras pour me consoler, ta voix douce pour m'apaiser, ton sourire pour me réconforter, tout cela me manque comme jamais, en cet instant précis. Je me revois, enfant, quand après avoir été tabassé par les gamins de l'école, tu me serrais fort contre ton sein, m'imprégnant de ton amour, pour me rappeler que j'étais ce qui est de plus cher dans ton coeur.

Tu préfèrais oublier que je n'étais pas un enfant courageux, ou bien est ce tout simplement parce que cela n'avait aucune importance à tes yeux. Tu n'as jamais compris, à raison, pourquoi, alors, j'avais décidé de m'engager dans cette guerre qui n'en finit plus. Je me pose aujourd'hui la question. Pourtant, j'y ai cru en cette nécessité de combattre cet ennemi de toujours.

J'ai cru papa quand il disait qu'un homme n'est vraiment un homme que quand il prends les armes pour défendre sa nation. Lui, l'ancien militaire, lui a reçu tous les honneurs du pays. J'ai pensé qu'en prenant l'uniforme, en luttant contre cet ennemi qui, d'après nos dirigeants, voulait mettre notre pays à feu et à sang. J'ai imaginé que, d'un coup, en revêtant l'uniforme, je trouverai ce courage qui m'a tant manqué tout au long de ma vie.

Maman, je me suis trompé. L'uniforme n'est qu'un leurre pour faire oublier l'être humain à l'intérieur. Quand je regarde mes compagnons d'infortune, au delà de l'uniforme, je vois des hommes et des femmes terrorisés, perdus dans cette guerre que l'on ne comprends pas. Nos dirigeants nous parlent de cet ennemi sanguinaire, pourtant, quand on les combats, et que l'on voit leur regard, eux non plus ne comprennent pas, eux aussi ont peur.

Pourquoi nous nous sommes engagés ? Je ne sais pas, je ne sais plus. Tout ce que je sais vraiment, c'est que nous sommes dans l'erreur et que j'ai toujours aussi peur. J'ai essayé de me rappeler les paroles de papa, sur le sens du devoir, mais est ce un devoir que de voir son ami d'hier exploser aujourd'hui ? Est ce un devoir que de se dire que, peut être, demain cela sera notre tour ?

Pardon, maman, je devrais plutôt tenter de te réconforter, toi qui viens d'apprendre la mort de ton fils unique. Même si je sais que je vais bientôt mourir, je n'arrive pas à m'imaginer mort, être présent par l'intermédiaire de cette lettre mais ne plus exister, physiquement, ou que ce soit. Ne pleure pas pour moi, maman, et sois au contraire fière de moi : j'ai accepté la mort qui m'attends. Cette mort aurait pu être plus belle, elle aurait pu arriver pour mes convictions, mais même pas.

Pardon, papa, je n'ai pas pu. Tu n'auras pas eu le fils courageux que tu as toujours espéré. Mais je n'ai pas pu, je ne pouvais plus suivre les ordres que l'on me donnait. Surtout des ordres que l'on sait voué à l'échec. Comment aurions nous pu tenir ce cloaque, alors que nous étions réduits à plus de deux tiers de notre unité ? Nous n'avions nulle part où nous cacher, et nous savions que le gros des forces ennemis marchait droit vers nous ? Nous devions tenir, et ce, jusqu'à ce que les renforts arrivent, mais personne ne nous a dit combien de temps nous devions les attendre.

Oui, papa, j'ai fuit, j'ai profité de la nuit tombée, pour m'éclipser. Je suis allé me réfugier dans la ferme la plus proche. Tu seras sûrement heureux d'apprendre que le fermier qui y vit est du même acabit que toi : avance ou crève. Mais je ne voulais plus avancer justement parce que je ne voulais pas mourir. Ce fermier m'a dénoncé. Quand les nôtres sont enfin arrivés, il m'a livré, à l'aide de ses fils, aux autorités militaires.

Trouveras tu la force de me pardonner si je t'apprends que tous les hommes et les femmes de ma compagnie ont été tués ? Que je serai de toute façon mort ? Je te vois bien, là, me répliquer que seule la mort d'un héros compte, pas celle d'un lâche. Mais, mon cher papa, le résultat est le même : on est mort. Terminé les soirées avec les amis, terminé les baisers volés auprès de la jolie fille du coin. Quelque soit la façon dont on a vécu, on existe plus, point.

Maman, j'ai rarement eu l'occasion de te le dire, mais merci. Merci d'avoir été une mère si attentionnée, d'avoir voulu me protéger, de m'avoir tant aimé.
Papa, dans une heure, je vais être exécuté. L'affront que mon nom soit associé au tien doit être immense pour toi. Je ne sais pas comment j'aurais réagi si j'avais connu la suite des événements.

Je voulais vivre, et je vais mourir pour avoir eu ce désir.

Votre fils,
Hugues
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dimanche 1 mars 2009

Partir en paix

Pour ce mois ci, une histoire qui me semble pas mal différente de ce que j'ai pu écrire jusqu'ici. Je ne suis pas sûre de maitriser ce type de nouvelle, mais il fallait bien que je m'y essaie, et surtout, c'est en écrivant différents type d'histoire que j'arriverai à trouver le mien.

Quelque chose me gêne dans ce texte, mais je n'arrive pas à saisir ce que c'est. Peut être pourrez vous m'aiguiller.

Bonne lecture à vous et au mois prochain.

Il y a des réveils où l'on se sent comme étranger à son propre corps. L'impossibilité de savoir où l'on est. Ces réveils sont bien souvent destabilisants et il est nécessaire de se poser quelques secondes afin de tout remettre en place.

Son nom est Hugues, ok, ça c'est bon, il maitrise. Visiblement, il est allongé dans un lit, une femme dort à ses côtés. Jusqu'ici, pas de problème, il est chez lui, son épouse est profondément endormie, rien de bien extraordinaire. Par contre, il n'a aucun souvenir de s'être couché, et encore moins de ce qu'il a bien pu faire avant d'être ici. Il n'a même pas mal à la tête, comme après une cuite, rien, juste cette absence d'un souvenir proche.

L'homme se lève lentement, il est nu, comme à son habitude la nuit. Il va jusqu'au balcon, la fenêtre est ouverte en cette nuit de fin d'été. Il inspire profondément, mécaniquement, pensant que cela l'aidera à remettre tout en place dans sa mémoire.

Il s'appelle donc Hugues, il a 37 ans. Son épouse, Laura, de 2 ans sa cadette, travaille avec lui dans une librairie dont ils sont les propriétaires. Ils se sont mariés en 1992, une union basée sur un amour très profond. Il se souvient même de ses propres voeux lors de leur mariage où il basait leur amour non pas sur son propre bonheur, à lui, mais dans sa quête de toujours faire que l'amour de sa vie soit heureuse. Il avait décrit sa conviction que l'amour ne devait pas être un sentiment égoïste, aimer pour être aimé, mais bien au contraire, quelque chose de totalement altruiste, s'oubliant au bénéfice de l'élue de son coeur : aimer pour aimer.

10 ans après ces paroles, il a gardé cette notion de l'amour. Cela avait été cause de raillerie, on disait de lui qu'il était totalement effacé derrière son épouse, lui accordant tout ce qu'elle désirait sans jamais penser à lui. Mais ils se trompaient, ces ignorants. Son bonheur à lui, c'était de la rendre heureuse, elle. Et puis, ils ne seraient pas tomber amoureux l'un de l'autre s'ils n'avaient pas eu des points communs, des passions communes, la librairie en était la preuve : tout comme elle, il adorait les livres.

L'aube se lève, et avec elle, Laura. Elle a toujours aimé se lever aux aurores. Hugues la regarde se mettre en branle, déjà le côté de son lit est fait. Elle ne le regarde pas, voir même elle l'ignore superbement. Qu'est ce que chose ne va pas mais il est incapable de savoir quoi. Il le lui demande mais il n'a, pour toute réponse, que le départ de son épouse de la pièce.

Il la suit jusqu'à la cuisine et l'observe préparant un café, il tente de lui parler, comme dans la chambre, elle fait comme s'il n'était pas là. Laura s'installe à la table, le breuvage amer devant elle, prenant le journal pour y lire les nouvelles du jour.

Il tente de plaisanter sur les difficultés qu'elle peut avoir, au réveil, de discuter, comme une ourse qui sortirait tout juste de son hibernation. Un bide total, même pas un sourcil relevé. Alors il passe dans le dos de Laura pour poser ses mains sur ses épaules, elle a toujours aimé qu'il les lui masse.

Hugues ne pourrait dire ce qui, alors, le surprends le plus en ce moment présent : la date sur le journal ou bien ses mains passant au travers du corps de Laura, laissant comme une trainée de vapeur dont elle ne semble pas avoir conscience. Le journal certifie, de son obstination muette, que la date est 2009 pourtant, le dernier souvenir d'Hugues remonte à 2002 et sa dernière déclaration d'impôt. Ce n'est pas spécialement un souvenir heureux, les impôts ne le sont jamais, mais cela lui permet de mettre une datation sur cette bribe que lui fournit sa mémoire.

Laura se relève, pose la tasse dans l'évier et sort de la pièce, sûrement pour se doucher. Tandis que son mari reste planté, là, à regarder ses mains revenues à la normale. Il tente d'attraper le journal, mais le phénomène recommence, comme avec les épaules de Laura. Se disant que de toute façon, au point où il en est, autant pousser l'expérience jusqu'au bout : il s'avance vers la table, pensant, espérant ardemment, finir par se cogner dessus. Mais il la traverse, toute la partie inférieure de son corps part à son tour en fumée pour se reconstituer quand il arrive de l'autre côté de la pièce.

On dit que quelqu'un qui se sait proche de la mort peut passer par 5 phases : déni, colère, marchandage, dépression, acceptation, qu'il n'est pas obligé qu'elles soient dans cet ordre, ni même de passer par toutes ces phases, mais au moins deux d'entre elles seront vécues par le mourant. Mais qu'en est il des morts qui constatent qu'ils sont, justement, morts ?

Hugues a toujours été un homme pragmatique, sur la vie en général. Le déni ne peut être possible, il a bien vu ses mains, son corps, s'évaporer. En fait, l'acceptation arrive de suite suivi par la colère. Non pas d'être mort, non, mais de ne plus être, physiquement auprès de son épouse.

Il est donc mort depuis 7 ans. En allant de pièce en pièce de la maison, il ne peut que constater les changements, des photos de leur couple un peu plus nombreuses, ainsi que celle d'un homme qu'il ne connait pas. Certains meubles ont changé. En regardant de plus près Laura, assise sur le canapé, il peut constater qu'elle aussi a changé, des rides d'expressions sur son visage. Celui ci marque une tristesse, profonde, mais, paradoxalement, Hugues est aussi persuadé d'y voir une certaine sérénité. Elle a dû passer la phase de l'acceptation dans son deuil.

Même s'il sait que c'est inutile, il lui parle doucement, comme dans un murmure. Il lui parle de son amour pour elle, de sa volonté, toujours aussi vive, de la voir, et la savoir heureuse. Hugues écarquille les yeux quand Laura réponds "Je sais", l'avait-elle entendu ? Il passe rapidement en revue tout ce qu'il veut lui dire, il y a tellement de choses. Jusqu'à ce qu'il se rende compte que ce n'est pas à lui qu'elle parlait, une tierce personne est dans la pièce, il ne l'avait pas entendu arriver, tout occupé qu'il était à constater sa mort.

Sa belle soeur est assise en face de Laura. S'il en croit leur discussion, elles parlent de lui et d'un certain "Fabio". A mesure que la discussion avance, il se remémore ce qui s'est passé. Quand elles parlent de sa mort, il se revoit s'écroulant après avoir amené des cartons de livres pour la livraison, foudroyé par une crise cardiaque.

Laura plaisante, rit doucement, il avait toujours adoré l'entendre rire. Elle parle de son coeur qui a laché, qu'elle aurait dû s'y attendre, on ne peut aimer autant, humainement parlant, sans que le coeur s'arrête de fonctionner, épuiser par tant d'amour à donner. Sa voix se brise, légèrement quand elle termine sa plaisanterie, terminant par dire qu'elle avait vraiment aimé son mari, qu'il lui arrivait, encore, de se réveiller en pleurant. Oui, son deuil était bien terminé, mais elle est persuadée qu'il continuerait toujours à lui manquer, comme une partie d'elle même qui est morte en même temps que lui.

Elle avait mis beaucoup de temps à se remettre de sa mort, mais oui, maintenant, c'est terminé, elle chérirait son souvenir en elle, mais elle doit vivre à nouveau, et Fabio est tellement adorable. Il avait preuve de patience avec elle, il avait accepté son deuil, il savait qu'il ne serait jamais le seul homme qu'elle aimerait, que son mari serait toujours là, quelque part dans son coeur. Il avait rallumé une à une chacune des flammèches dans le coeur de Laura, jusqu'à ce qu'elle se sente réchauffée intérieurement. Et avant hier, il lui a fait sa demande en mariage à laquelle elle n'avait pas encore répondu. Elle avait été incapable de le faire sur le moment même, et depuis, la question tournait et retournait dans son esprit.

Hugues ne peut nier un pincement dans son coeur. Enfin, techniquement, il n'est plus capable de ressentir cela, mais l'idée est là. Il chasse rapidement ce sentiment égoïste, après tout, il est mort. Comment peut il désirer autre chose que son bonheur ? Passer cet instant qui ne lui ressemble pas, il se concentre à nouveau sur la conversation. Sa belle soeur pose la question la plus importante aux yeux d'Hugues : est ce que Fabio l'a rend heureuse ?

Laura regarde sa soeur un long moment, comme plongée dans une profonde réflexion. Puis, d'une voix calme, posée, elle répond par l'affirmative. Bien sûr, Fabio ne serait jamais Hugues, c'était impossible. Il n'était pas aussi attentionné que son mari, mais elle est persuadée qu'il l'aime. Elle hésite un court instant avant de poursuivre, puis, avec ce sourire qui avait toujours fait fondre Hugues, elle dit qu'elle aussi l'aime. Qu'elle a énormément de chance d'avoir rencontré deux hommes dans sa vie qu'elle peut aimer aussi fort, dans un sentiment réciproque. Alors, oui, elle est heureuse maintenant et oui, il lui est inutile de réfléchir plus longtemps, elle va accepter la demande en mariage.

Sa soeur se lève d'un bond, tapant dans ses mains, poussant ce petit cri typiquement féminin qui semble être l'expression d'une joie mais qui est bien souvent source d'énervement pour les personnes alentour et non concernées. Elle serre très fort Laura dans ses bras et l'invite à sortir, qu'importe où, il faut fêter ça.

Elle entraine sa soeur hors de la pièce. La pièce est vide désormais. Pas même un esprit, fantôme, qu'importe le mot adéquat. Hugues avait disparu, il n'avait plus rien à faire ici, il l'avait compris dès que sa femme avait répondu par l'affirmative. Elle est heureuse maintenant, il peut donc partir en paix.
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vendredi 6 février 2009

Un défi supplémentaire

Au détour d'une discussion, j'ai pris connaissance de l'APO (à prononcer OPO) qui signifie "Auto prise en otage". L'idée vient d'un blog de petits bonshommes, oué bon, ok, on dit "figurines" mais j'aime bien "petit bonhomme", et c'est moi qui dit !

Définition de l'APO : consiste à se servir de son blog comme d'un aiguillon. D'abord on annonce "pour tel jour au soir je fais ça et ça" en prenant les visiteurs à témoin. C'est un Engagement Solennel pris devant la Toile.


Le principe me plait bien, même si, avec ce blog, il y a déjà une APO permanent pour que je poste une nouvelle du mois.

Mais je vais aller plus loin : Parce qu'écrire, ainsi, sur un blog, c'est bien joli, j'aime beaucoup tout ça, mais est ce que je ne pourrais pas aussi tenter d'être publiée, support papier et tout, le vrai truc quoi ?

Alors, voici mon APO :

- Réécriture des nouvelles dont le style, l'orthographe laisse à désirer, donc, les deux premières. Voir si je peux améliorer la dernière en date.
- A la sixième nouvelle publiée sur ce blog, je commence à chercher des éditeurs, je me renseigne sur les droits etc.
- A la huitième nouvelle, je dois avoir toute une liste d'éditeur susceptibles d'être dans le créneau de ce que j'écris
- A la dixième nouvelle, je dois avoir envoyé des manuscrits à cette liste, et, espérons, avoir eu des réponses positives ou négatives.

Quand Miss Murder disait "on en est à 4" dans le commentaire de la nouvelle de février, elle se fourvoyait, genre le doigt dans l'oeil jusqu'au coude, au moins ! Puisque certes, il y a bien eu 4 textes depuis le lancement de ce blog, mais, et je tiens à ce "mais", parmi ces 4 textes il y a un prologue, et non une nouvelle. Donc, Miss Murder : on en est à 3, épicétout.

C'est parti donc :


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dimanche 1 février 2009

Toucher le fond

Lors des retours de la nouvelle du mois de Janvier, j'ai eu un défi pour une prochaine nouvelle. Je ne vais pas le révéler sinon ça enlèverait sûrement un truc de la nouvelle qui va suivre. Quoiqu'il en soit, il a été en parti relever, enfin il m'est difficile de faire mieux pour le moment.

D'avance mes excuses pour les amateurs de bateau, il y a, peut être, quelques erreurs. Il y a des années que je n'ai pas refait de bateau, hélas, et j'ai oublié pas mal des noms employés.

Quoiqu'il en soit, bonne lecture à vous.

L'eau est calme aujourd'hui, tout comme le temps. Comme le saumon qui passe sa vie à remonter la rivière pour finir par mourir, les vagues viennent s'échouer, au loin, sur la plage de galets. Parfois, elles butent contre la falaise, mais la journée est si clémente que c'est à peine si on les entend se dérouler comme pour mieux rencontrer la craie, la façonnant vague après vague. Le vent n'est que murmure, il n'y a quasiment pas de ce petit son si caractéristique, le long des falaises, celui produit par le vent tourbillonnant qui pourrait s'apparenter à un doux chant mélancolique.

Oui, aujourd'hui, tout est vraiment paisible sur cette mer. Pourtant, quand Camille la regarde, l'hume, ce n'était pas une eau trouble qu'elle voit, et encore moins l'iode qu'elle sent. Elle ne fait même pas attention aux embruns qui ruissèlent sur son visage. A une autre époque, qui semble être dans une autre vie, elle aurait apprécié ce moment, elle en a parfaitement conscience.

Elle sait ce qu'elle doit faire, cela fait des jours qu'elle a tout préparé, méticuleusement. Elle s'avance lentement vers la poupe du bateau, s'efforçant de laisser ses souvenirs loin dans sa mémoire. "Toucher le fond." se dit-elle "Retrouver le calme, pourquoi n'y aurais-je pas le droit ? Qu'ils aillent au diable avec tous leurs conseils bien pensant ! Comment pourraient-ils savoir ce que je ressens réellement ? Comment pourraient-ils comprendre que je veux que tout s'arrête, totalement ?"

Camille serre un moment les poings, maudissant toujours plus ces conseillers de pacotilles, ceux qui ne parlent que "pour son bien". Elle inspire profondément en relevant la tête, son regard vers la plage. Elle n'était pas partie très loin, juste assez pour pouvoir mouiller son voilier, pour que les falaises ne causent un problème. Son père l'avait emmenée tant de fois, pendant son enfance, lui apprenant à aimer et à respecter la mer, lui racontant les légendes, les histoires de marin, la traditionnelle "dame blanche", il y a toujours une dame blanche ... Non, il ne fallait pas laisser travailler sa mémoire, c'est cette mémoire qui la blesse depuis tant d'années, ou du moins qui prolonge la blessure.

Secouant la tête, elle vérifia son voilier une dernière fois : le génois est correctement replié, ainsi que la grand-voile, la dérive est bien en place, et chaque corde est bien attachée, aucune ne traine. Il est temps maintenant. Camille s'installe sur le bastingage tribord, son matériel est lourd, mais il est plus que nécessaire si elle veut aller jusqu'au bout.

Dos à la mer, elle se laisse tomber en arrière. La mer la happe et pourtant, il n'y a aucune violence, plus comme une ancienne amante qui l'étreint fortement, l'attire vers elle, mais avec une infinie tendresse. Tout est si paisible, si calme. A mesure que Camille s'enfonce dans la mer, elle voit la clarté du monde extérieur s'assombrir. Comment a-t-elle pu vouloir rejeter tout cela ?

Cette question n'est évidemment que rhétorique, Camille savait pourquoi elle n'avait plus jamais remis, ne serait-ce qu'un orteil, dans l'eau. Cela remontait à 6 ans, 5 mois et 14 jours. Si on le lui demandait, elle serait même capable de dire les heures et les minutes.

Ce jour là, le temps rendait la navigation impraticable, et Camille avait grand envie de nager. La mer était comme un second monde pour elle, mais quand cet autre monde ne lui permettait pas de le revoir, elle lui faisait une petite infidélité à la piscine. Évidemment, l'odeur du chlore ne lui plaisait pas, pas plus que tous ces gens agglutinés dans l'eau sans même en apprécier toute sa puissance en même temps que son calme. En même temps, comment le leur reprocher si tout ce qu'ils connaissaient de l'eau était ce rectangle chlorique. Quoiqu'il en soit, son envie de s'enfoncer dans l'eau étant trop forte, Camille avait laissé de côté ses préjugés.

Le début à la piscine avait déjà mal commencé, une sortie scolaire. En tout cas, tout portait à croire qu’absolument toute la marmaille environnante s’était donné rendez vous ce jour là en ce lieu. Les accompagnateurs gueulaient dans tous les sens, les maitres nageurs ne savaient plus où donner de la tête. Heureusement, tout de même, pour Camille, la plupart des gamins étaient assignés au petit bassin, le grand ne correspondant pas vraiment aux critères de sécurité, ou alors, était-ce simplement qu'il était plus simple de tous les amasser dans un périmètre plus réduit.

Camille tenta de se détendre en plongeant et en restant sous l'eau. Le chlore piquait les yeux, et il n'y avait rien à voir dans le fond de la piscine, mais au moins, le bruit s'éteignait. C'est là qu'elle l'aperçut la première fois, enfin surtout des jambes et un maillot de bain noir, masculin. Elle n'y prêta pas attention de suite, après tout, c'était une paire de jambe parmi tant d'autre. Quand elle sortit la tête de l’eau, inhalant une grande bouffée d'air, elle vit le propriétaire des jambes : brun, une barbe de trois jours, des petits yeux perçants, braqués sur elle.

Elle était habituée à être observée par des hommes. Elle savait qu'elle n'était pas un "canon de beauté" mais tout de même, elle ne laissait que très rarement les hommes indifférents. Néanmoins, sans savoir pourquoi, cet homme la mettait mal à l'aise. Peut être était-ce dû à l'insistance de son regard, ou le fait de voir toujours ce même regard braqué sur elle à chaque fois qu'elle sortait la tête de l'eau.

Après plusieurs descentes et remontés, ce regard sombre toujours braqué sur elle, Camille n'y tint plus et préféra quitter le bassin et se dirigea vers les douches. Du coin de l'œil, elle le vit sortir à son tour de l'eau et la suivre, c'est qu'il devenait insistant, enfin, au pire, il y avait trois maitres nageurs non loin, elle pourrait toujours leur expliquer la présence désagréable de cet homme.

Elle prit sa douche le plus rapidement possible, elle voulait quitter cet endroit et cette appréhension qui ne la quittait pas. Elle sentait qu'il était toujours en train de la regarder, et bien qu'elle porte son maillot de bain, elle avait la très désagréable impression d'être nue. Elle ramassa sa serviette, s'essuya rapidement avant de récupérer ses affaires et se précipita vers l'une des cabines individuelles pour se changer.

C'est à ce moment précis que tout bascula : alors qu'elle s'apprêtait à fermer le loquet de la cabine, la porte s'ouvrit violemment, la repoussant en arrière. Elle eût l'impression que dans la même seconde, la porte fût bloquée par le loquet et qu'une main vint se plaquer sur sa bouche, l'étouffant à moitié et l'empêchant de crier à l'aide. C'était lui, le même que dans la piscine ou sous la douche, qui cela pouvait bien être d'autre ? Pendant presque 6 ans, 5 mois et 14 jours, elle se demandera pourquoi elle n'avait pas eu la présence d'esprit de suivre son début d'idée : aller voir les maitres nageurs.

Elle tenta bien de se débattre, mais, il était bien trop fort pour elle, il tenait ferment l'un de ses bras derrière son dos, la douleur devenait insupportable. Il parla à peine, si ce n'est pour lui dire qu'une salope comme elle, aguichant les hommes à moitié à poil, devait un jour payer et recevoir ce qu'elle désirait. Qu'il allait lui en donner, elle allait voir. Dans un vain effort, et malgré la douleur de son bras, Camille tenta de se défendre, au moins pour pouvoir appeler du secours, mais encore une fois, elle n'avait pas la moindre chance d'avoir le dessus. Il frappa sa tête contre l'un des murs de la cabine et elle s'évanouit.

Quand elle se réveilla, elle était nue, son maillot de bain en lambeau à côté d'elle et lui ... lui abusait d'elle, marmonnant des paroles obscènes, sa main toujours sur sa bouche. Quand il eût fini, il la gratifia d'un regard haineux et lui conseilla de garder cela pour elle, sinon tout le monde saurait quel genre de salope elle était, qu'elle l'avait cherché. Il quitta la cabine, tranquillement, laissant une Camille tremblante, dévastée. Son esprit tentait de nier le témoignage de son corps.

Elle resta recroquevillée, sa serviette contre elle, pendant des heures, incapable de bouger. La porte n'était pas refermée complètement, mais suffisamment pour qu'on ne la remarque pas. Ce fût une femme de ménage, bien après la fermeture de la piscine, qui la trouve prostrée dans la cabine, toujours dans la même position que des heures auparavant.
Elle est incapable de savoir ce qu'il s'est réellement passé ensuite, l'hôpital où elle dût tenter d'expliquer ce qu'il s'était passé. La police où son histoire devait être à nouveau répétée dans les moindres détails, revenant parfois en arrière, à la demande du policier, pour être sûr que tout serait bien consigné dans le rapport. Puis, le pire sans doute, l'arrivée de ses parents, sa propre détresse se lisait dans leurs yeux, comme une empathie.

Ses mêmes parents qui, depuis, chaque jour se tenaient près d'elle, prêts à la soutenir si elle s'enfonçait, silencieux mais toujours présents. Des groupes de soutien, des psys tentèrent de lui donner des conseils, mais comment peut-on conseiller quelqu'un que l'on connaissait à peine ? Certes, certaines personnes avait vécu une expérience similaire, mais ce n'était que ça : "similaire". Elle n'arrivait pas à leur expliquer que cet homme n'avait pas seulement souillé son corps, et par extension son âme, mais qu'elle avait aussi l'impression que l'eau lui rappelait à chaque fois cette expérience ? Que ce qui lui avait toujours permis de se détendre n'était plus une option ?

L'homme fût retrouvé trois ans plus tard, alors qu'il tentait d'agresser une autre femme. N'étant pas arrivé à ses fins, et la police arrivant, il s'enfuit sans demander son reste, et sans faire attention où il allait. Sa course s'arrêta alors qu'il traversa la route et qu'une voiture le faucha, le cou brisé. Cette mort ne soulagea pas Camille, même si elle la rassurait : elle ne craignait plus de le croiser à détour d'un chemin. Il lui fallait garder ses questions pour elle, et surtout son "pourquoi ?". Elle n'aurait jamais la réponse, et cela n'avait en rien aidé, bien au contraire.

L'eau est en train de devenir de plus en plus sombre. Heureusement, la combinaison que porte Camille diminue la froideur environnante.

Cette partie de son histoire est aussi sombre que ce qu'elle voit, en ce moment, autour d'elle, mais comme les vagues, là, au dessus d'elle, qui vont pour s'échouer sur les galets, pour mieux revenir, plus fortes peut être, elle doit refaire surface, et vivre le temps présent. Sans y penser, elle vérifie que ses bouteilles contiennent suffisamment d'oxygène, déjà plus d'une heure qu'elle est allongée, ou presque, sur le fond de la mer. Elle regarde vers le haut, l'air libre. Oui, il fallait qu'elle se remette à vivre et, elle le sait maintenant, la mer l'aidera, comme sa pièce préférée, dans une maison, où on aime se réfugier. Des talons, elle touche le fond, qu'elle cogne pour mieux remonter. Pour la première fois depuis 6 ans, 5 mois et 14 jours, Camille sourit.

Edit 09 /02 : Correction des fautes et quelques maladresses qui trainaient par là. Merci Mirandar, tu vas finir par être mon correcteur officiel si tu continues comme ça.
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jeudi 1 janvier 2009

Une personne en trop

Au début, j'avais pensé écrire un truc dans l'air du temps, genre un conte de noël, une de ces histoires pleines de bons sentiments qui fait chaud au coeur. Seulement voilà, cela n'entrait pas dans mon inspiration du moment.

Alors, ça sera un texte pas du tout dans l'air du temps, absolument pas gai et encore moins réchauffant tout le dedans. Un jour, je réussirai à écrire un truc un plus léger, si si, j'y crois très fort !

Bonne lecture aux quelques égarés sur ce blog.

On dit souvent qu'être issu d'une grande famille est une chance, que l'on a, alors, le bonheur de pouvoir trouver du réconfort auprès des liens. Ces liens du sang que rien ne sauraient contrer, tous unis face à l'adversité, quel qu'elle soit.

Si Hugues connaissait ce "on", il lui tordrait bien le cou. Il irait même jusqu'à l'éviscérer avec ses paroles de bons sentiments qu'il juge fadasses. Il lui montrerait sa famille, à lui, riche de 11 enfants, ses parents qui ne savent plus où donner de la tête pour gérer cette meute familiale. Et surtout, il se désignerait, lui Hugues, et sa place de 11 ème enfant, celui que les parents n'attendaient, ne voulaient pas, l'accident, le regret. Hélas pour tout le monde, mettre un terme à la grossesse de la mère féconde n'était pas possible, le principe de cette famille était contre. Ce n'était donc pas par choix que cet enfant serait mis au monde, mais par devoir, par obligation.

Il a passé toute son enfance à sentir qu'il était l'enfant de trop. Bien entendu, il était nourri, quand même, n'exagérons rien. Bien entendu, il avait de quoi s'habiller, enfin, du moins des vieux habits de ses aînés. Ce pull était à l'une de ses sœurs ? Peu importe, il était encore en état, une petite couture par ci par là à refaire, et cela fera l'affaire.

Mais en dehors de cet aspect primaire, Hugues comprit rapidement qu'il était préférable de rester dans son coin, seul, si tant est qu'il est possible de trouver ce genre d'endroit dans une maison où vivent autant de personnes. Combien de fois a-t-il entendu les regrets de sa mère de ne pas être tombée, alors qu'elle était enceinte de lui ? Elle aurait tant désiré une bonne vieille grosse chute, de celle qui lui aurait fait perdre ce sale gosse, ce bon à rien, même pas capable d'être utile dans la maison ! Hélas, elle n'avait pas pu le faire intentionnellement, ça aurait été péché, une interruption volontaire de grossesse, même indirectement, hors de question !

Quant à son père, il ne faisait pas attention à son aîné, alors pourquoi le ferait il avec le petit dernier ? Il trimait à longueur de journée au travail pour nourrir les siens, alors autant laisser ce travail à son épouse, que les tâches soient réparties équitablement, que diable !
Son réconfort à lui, c'était le PMU, avec ses potes de travail. Un ballon de vin, de franches rigolades bien viriles et des putes de temps en temps, voilà qui faisait tout le bonheur du père. Bien évidemment, tous les dimanches, il confessait tout cela, il ne faudrait pas qu'il soit un pêcheur quand même. Son âme était alors lavée et le vieux pouvait retourner, juste après la messe, au PMU, le prochain dimanche arrivera vite.

Si encore ses frères et soeurs avaient été présents pour lui, Hugues aurait pu faire l'impasse sur le manque de présence, d'affection, de ses parents, mais il avait 6 ans d'écart avec le 10ème de sa fratrie, quant au tout premier, n'en parlons pas. Pour tous, il était le morpion, le baveux, celui qui traine toujours dans les pattes.

Le premier jour de sa rentrée des classes, Hugues était tout excité. Il était sûr que là, avec des enfants de son âge, il allait pouvoir trouver une place. Voir même, il n'osait se le dire avec des mots de peur de lui porter le mauvais oeil, oui, peut être, se faire des amis. De tous les enfants, il était le seul à avoir un grand sourire, alors que les autres étaient apeurés, ou seulement attristés de devoir quitter le giron familial. D'ailleurs, sa mère, suspicieuse, l'attrapa par le col et lui fit clairement comprendre que s'il préparait un mauvais coup, le diable l'entrainera en enfer, et avant cela, il aurait affaire à elle ! Elle était comme ça : incapable de se dire que son petit dernier pouvait sourire juste parce qu'il était content. Non, il avait le diable au corps ce petit, obligé !

Seulement, rien ne se déroula comme Hugues l'avait prévu. Déjà, il reçut sa première leçon de vie en société : l'aspect est primordial. Avec ses vêtements élimés, il ne passait pas le premier test, et ses camarades ne tardèrent pas à le surnommer "le manant". Mais, à la rigueur, avec le temps, Hugues aurait pu passer outre, s'il avait aimé le sport, s'il ne craignait pas de se battre ou tout autre action physique qui impose, dans tous les sens du terme, le respect. Hélas, Hugues aimait apprendre, plus encore, il avait une soif insatiable de nouvelles connaissances et surtout découvrir la géographie. Il se prenait à rêver, en pleine classe à ces endroits où sa famille ne serait pas, à ces montagnes où tel un ermite, il sillonnerait les cimes. Il était devenu rapidement incollable sur les montagnes du monde entier, il avait même découvert à la bibliothèque le saint des saints, le livre, celui que même dans ses rêves les plus fous il n'aurait pu imaginer : le guide routier de toutes les montagnes à travers la planète.

Mais, comme il a été dit plutôt, un tel comportement, aux yeux de ses camarades de classe, faisait de lui au mieux un type bizarre au pire, un taré. Pourtant, Hugues aurait aimé partager sa passion avec eux, mais comment pouvait on préférer les montagnes aux les jeux vidéos, au sport ? Les autres ne le comprenaient pas, et comme toujours dans ce cas avec les enfants, même si cela arrive aussi très souvent avec les adultes, il était classé "anormal" aux yeux de tous. Au fil des ans, Hugues tenta même de taire cette passion, toujours dans sa recherche de se faire des amis, mais cela n'eût que peu d'effet. Il pouvait faire semblant de ne plus être obnubilé par les montagnes, mais comment cacher ses vêtements portés par quasiment tous ses frères et soeurs ?

Les gens, enfants comme adultes, ont souvent comme un sixième sens. Un sens qui permets, inconsciemment, de détecter celui qui pourrait être comme un poids si on s'en approchait. Hugues semblait porter une grosse pancarte au dessus de la tête, un panneau qui dirait "Je veux être votre ami, aimez moi, permettez moi de vous aimer, et ce, même si je vous étouffe de mon trop plein d'amour". Et le sixième traduit par un "Mon espace vital risque d'être étouffé par cet être, vite, ignorons le, mieux, faisons comme s'il n'existait pas. Et s'il y a échec alors nous nous moquerons"

Tous les élèves de l'école d'Hugues devaient avoir ce sixième sens. Les filles, bien évidemment, l'ignoraient, dans le meilleur des cas, sinon elles pouffaient en groupe (elles pouffent toujours en groupe), ce petit son, de premier abord anodin mais qui avait le don de meurtrir. Elles le montraient du doigt et encourageant les garçons, les vrais, les normaux, de ceux qui font du sport et tout, à embêter le "manant".

Hugues était l'élève de trop dans cette école, de toute façon, ils ne comprenaient pas. Des enfants déjà que trop formatés dans ce qui doit être et ne doit pas être. Comment auraient ils pu appréhender, dans leur esprit étriqué, un enfant qui ne se sentait pas à sa place, et ce nul part ? C'est ainsi qu'à l'âge de 16 ans, il décida de tout laisser tomber, adieu famille adieu école, la vie l'attends, il trouverait bien des personnes qui l'apprécieraient. Il partit sur la route, son sac à dos à moitié rempli d'habits, mais surtout son guide routier, qu'il avait pu s'acheter à volant de l'argent à son père, cela lui fera une pute en moins et puis c'est tout ! Hugues n'était pas vraiment un voleur, mais pour avoir ce livre qui le faisait rêver depuis si longtemps, il avait dû employer les grands moyens.

Les années passèrent mais les montagnes étaient toujours aussi éloignées. Hugues avait dû très vite se rendre compte qu'il n'arriverait jamais à ses montagnes le ventre vide et avec des vêtements de plus en plus troués. Il prit donc sur lui de reporter, légèrement évidemment, son projet, vacant de petits boulots en petits boulots. Hugues n'était pas un jeune physique, mais il avait du coeur à l'ouvrage, et n'hésitait jamais à toujours vouloir dépasser ses limites. Ses différents patrons s'en étaient bien rendus compte, et comme tout boss désirant économiser autant que possible, ils n'hésitaient jamais à exploiter cet employé zélé. Hugues s'en moquait, si tant est qu'il s'en rendait compte. A ses yeux, si on lui donnait autant de travail, c'était qu'on appréciait son labeur, voir, peut être, qu'on l'appréciait lui.

Que cela soit auprès des rares connaissances qu'il pouvait avoir, ne parlons pas d'amis cela serait exagéré, ou bien à son travail, Hugues n'osait jamais demander quoique ce soit. Ou, quand il le faisait, il se sentait mal à l'aise. Consciemment ou inconsciemment, il sentait qu'il dérangeait, qu'il n'était pas à sa place, qu'il était de trop. Il aurait bien invité cette petite blonde, rencontrée au marché, à boire un verre, mais elle lui aurait certainement ri au nez. Il aurait bien voulu parler de sa passion avec son collègue de travail mais il l'aurait sûrement pris pour un dingue. Alors il se contentait d'être une oreille attentive, les rares personnes qui le côtoyaient trouvant une personne prête à les écouter sans avoir, en retour, à faire de même. Un psy gratuit et qui même pas posait des questions dérangeantes. Évidemment, il était hors de question de l'inviter où que ce soit, après tout, conviait-on son psy à une soirée ?

Hugues ne se plaignait pas, qui l'aurait écouté de toute façon ? Il gardait dans son coeur son rêve de montagne. Depuis son tout premier travail, il avait économisé sou après sou, de toute façon, vu qu'il ne sortait jamais, cela n'était pas bien difficile. Ainsi, 20 ans après avoir commencé à mettre de côté son premier sou, il pût se permettre de tout abandonné, enfin, laisser derrière lui les quatre murs qui lui servaient de maison. Il prit son billet d'avion et partit, sans aucun regret vers ce qui le réconfortait depuis toujours.

Il savait tout des montagnes, son guide lui avait tout appris, sans parler de tous ces livres qu'il avait pu dévorer depuis des années. Il ne se ferait pas avoir comme tous ces touristes ! Il avait beau n'avoir jamais vu la montagne, il se sentait l'âme d'un montagnard, et était persuadé que ces sommets lui rendraient tout son affection. Il loua rapidement un chalet, le plus éloigné possible de tous, comme un vrai montagnard bravant seul la neige et le froid, son guide lui avait donné toutes les informations, alors il ne pouvait pas se tromper. Hugues coûta, enfin, à la quiétude, la vraie, de celle qui apaise le coeur et endort l'esprit. Il était à la montagne !

Après s'être habillé chaudement, il décida d'aller à la rencontre des sommets. Il aurait bien voulu le faire à pied, comme un vrai montagnard, mais Hugues était réaliste, sa condition physique ne le lui permettrait pas, et il était hors de question de demander aux habitants : ils l'aurait très certainement dénigré. Alors, la mort dans l'âme, il se décida à prendre une nacelle, comme un vulgaire étranger à la montagne. S'il n'avait pas été d'un naturel calme, il aurait trépigné sur place dans la file d'attente pour obtenir son billet, c'est qu'il y avait beaucoup de monde aujourd'hui. Mais peu importe, cela en valait le coup, la montagne l'appelait, Hugues le sentait au plus profond de son coeur.

Il monta en dernier dans la nacelle, et celle ci, lentement, mais sûrement, l'approchait des sommets. Etait ce normal que l'engin tangue autant ? Les gens commencèrent à murmurer, des cris aigüs s'échappèrent quand des grinçants inquiétants se firent entendre. Puis un grand silence. La nacelle n'avait plus. Les occupants n'osaient plus bouger ou prononcer le moindre son. La chute arriva d'un coup, les hurlements déchirèrent l'air. Hugues eût plusieurs centaines de mètres pour se dire que même le sommet n'avait pas voulu de lui mais qu'au moins, il allait mourir dans le plus bel endroit au monde.

Le rapport d'enquête révèlera que la faute de cet accident regrettable incombait à la négligence de l'employé préposé à faire monter les gens dans la nacelle. Selon ce même rapport, la nacelle était très ancienne, devait passer au contrôle à la fin de l'hiver et ne pouvait pas dépasser un nombre bien précis de personnes / kilos. Compte tenu de l'ancienneté, les organisateurs locaux avaient décidé de réduire le nombre de passagers, et leur employé n'avait pas pris complètement ces données en compte. S'il y avait pu y avoir ne serait ce qu'une personne en moins, la nacelle aurait pu arriver à bon port, peut être pas repartir mais l'accident aurait pu être évité. Hugues, une fois de plus, avait été la personne en trop.
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lundi 22 décembre 2008

Crémaillère (2)

Plutôt que de refaire une note, je remonte celle ci. Oui, je suis feignasse, et je l'assume.

Et bien voilà, nous y sommes : le nouvel hébergeur pour les nouvelles qui paraitront chaque 1er du mois. Il y a encore pas mal de choses à faire, genre des couleurs, la mise en page, toussa toussa, mais l'endroit me plait déjà nettement mieux que l'ancien. Bon, évidemment, il y a des trucs qui me plaisent pas, mais je suis du genre ... très difficile, je crains qu'il n'y en ait aucun qui me satisfasse pleinement.


Si vous avez la moindre suggestion, il ne faut surtout pas hésiter. Je ne me rend pas spécialement compte si l'endroit n'agresse pas l'oeil, par exemple.

De l'ancien blog, je ne transfère que les nouvelles et le coin lecture, les singeries des songeries ne sont pas bien utiles.

J'espère que vous prendrez plaisir à parcourir mes bafouilles.

Edit : Quelques améliorations qui me manquaient, merci à Plantouille pour sa patience afin de tout bien m'expliquer comment procéder. La dernière chose à changer, c'est la couleur, je n'arrive pas à me décider. Perso, un écran blanc et une écriture noire me fait mal aux yeux, mais je n'ai pas envie de faire l'inverse non plus, donc, je me tâte.

Pour le reste, ce sont surtout des détails, je ferai quand l'envie m'en prendra.
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lundi 1 décembre 2008

[Prologue] Malleus Maleficarum (Le marteau des sorcières)

Le Malleus Maleficarum, plus communément appelé Malleus, date de plus de 600 ans. Son apparence extérieure, faite de pierres noires, rappelle à tous l'austérité des lieux. Même si on est pas appelé à entrer dans le bâtiment, on ne peut s'empêcher de frissonner en passant à côté. Tout le monde sait que quiconque passe les énormes portes en bois du Malleus, contre sa volonté, n'en revient jamais. Quant à ceux qui y étaient invités, ceux dont la présence était requise, les plus superstitieux disent d'eux qu'ils portent comme une marque sur eux, comme une aura.

Comme toujours, il y a énormément de monde au Malleus. Les gens s'affairaient dans tous les sens, mais en dehors du bruit de pas sur le parquet dans les couloirs, les portes qui claquent, aucun autre son ne se faisait entendre. La tenue des personnes présentes rajoutaient à l'aspect irréel : tous portaient la même longue cape noire qui recouvrait un costume de la même couleur, capuche relevée recouvrant une grande partie de leur visage. Certains portaient même un masque blanc, impassible et surtout méconnaissable. Parfois, quand une cape se relevait légèrement, on pouvait entr'apercevoir un pentacle accroché au col, l'une des rares touches qui peut distinguer une personne d'une autre puisque tous n'avaient pas la même couleur.

Tout le monde se figea quand on entendit un hululement. Comme d'un commun accord, sans que la moindre parole ne fusse prononcer, ils se dirigèrent tous dans la même direction. On pouvait presque entendre un soupir de soulagement, enfin, ça allait commencer. Après tout, n'étaient ils pas tous là pour cela ? Le procès allait reprendre.

Ils se retrouvèrent tous dans ce qui semble être un amphithéâtre, à ceci près que bien qu'il risquait d' avoir du spectacle, il n'y avait aucune scène. L'endroit était frais mais c'était destiné à changer très vite vu que près de 100 personnes étaient en train de s'installer, cette fois, tous portaient un masque, mis en valeur par leur capuche légèrement rejetée en arrière.

Face à eux, un siège, encore inoccupé. Personne n'aurait voulu s'y installer, et de ceux qui l'avaient fait, par le passé, peu pouvaient encore parler de ce qu'ils avaient ressenti. Ce n'était pas tant le siège en lui même, enfin si mais pas seulement, mais surtout d'être face à ceux qui sont là pour juger l'occupant. Des juges sans visage mais dont on est sûr qu'ils sont en train de fixer, intensément, l'accusé, et pendant ce temps, derrière soi, les accusateurs que l'accusé ne pourrait voir de par sa position. De chaque côté de ce siège central, deux grandes cuves qui seront les témoins du verdict des juges : devant chacun se trouvaient deux boules, l'une blanche, l'une noire, quand le moment sera venu, il leur faudra décider laquelle des deux rejoindra la cuve lui correspond.

Tous les masques se tournèrent en même temps quand une porte s'ouvrit pour laisser entrer un homme. Son regard, d'abord hagard, se transforma en terreur en voyant tous ces masques. Ses geôliers le trainèrent jusqu'à la chaise centrale sur laquelle ils le forcèrent à s'assoir puis le laissèrent là, sans l'attacher. De toute façon, c'était inutile, son visage creusé et tuméfié témoignait des mauvais traitements ainsi que d'une mauvaise alimentation qui le laissait sans force. L'un de ses genoux avait un angle peu conventionnel, ce qui pourrait expliquer pourquoi ses gardes l'avaient amené sans lui laisser la possibilité de marcher,

Le procès de Hugues Juty'Amp, de la famille Amp et de la ville natal de Juty, avait commencé depuis deux semaines. Son incarcération remontait à plus de deux mois. Comme souvent dans ce genre de procès, il avait été emprisonné suite à une dénonciation. De cette dénonciation s'en était suivi la recherche de preuve, puis enfin, le procès.

Hugues Juty'Amp avait été un bel homme, bien né, il avait bénéficié pendant toute sa vie de la protection de sa famille. Son père était un homme influent, malgré les travers de son fils, il avait toujours réussi à le sortir des mauvais pas où ce dernier s'embourbait. Seulement, cette fois, il n'avait rien pu faire pour lui, il ne pouvait même pas nier l'évidence puisque les faits s'étaient produits sous ses yeux.

Les faits s'étaient déroulés lors de la nuit de Walpurgis, à Juty, alors que tous célébraient la fin de l'hiver. Ce sabbat avait eu une dimension particulière car la saison froide avait été rude, le printemps avait eu un bon mois de retard. Chacun voulait oublier ces morts dû au froid, et plus encore, ils espéraient retrouver les bonnes grâces des faiseurs de miracle. Ces derniers étaient capables d'influencer sur le temps et pouvaient littéralement renverser une ville pour quiconque n'entrait pas dans leur bonne grâce, et c'était le cas de Juty.

Hugues Juty'Amp était connu pour sa déviance, son incapacité à être ne serait ce qu'un receptionneur, mais il avait toujours réussi à franchir le pas de trop. Jusqu'à cette nuit là. Après une soirée trop arrosée, il était arrivé de nulle part pendant le sabbat, insultant toutes les personnes s'y trouvant, les maudissant pour leur stupidité, leur petitesse d'esprit. Le dégoût des personnes présentes atteignit son paroxysme quand Juty'Amp évoqua les arts scientifiques comme seuls capable de les aider tous, que ce n'était pas des grigris qui pourraient les sauver.

L'un des participants était alors allé alerter les autorités, et c'est un Hugues Juty'Amp, dormant sur un banc, une bouteille vide à la main, qui fût emmener sans ménagement en prison. Voulant montrer l'exemple, et à cause du passé de Juty'Amp, ses accusateurs cherchèrent à allonger la liste d'accusation. Ainsi, il n'était plus seulement jugé pour avoir perturbé un Sabbat, mais aussi, et surtout, pour sa déviance.

Ses premiers jours de détention ne se résumaient qu'à deux seules choses : torture, recherche d'aveux. Même si, pour ce dernier point, ce n'était pas vraiment nécessaire compte tenu des propos qu'il avait tenu lors du Sabbat. Les témoignages étaient arrivés très rapidement, mais Juty'Amp savait qu'il était condamné avant même la fin de son procès lorsque son propre père vint compléter un peu plus la liste des charges. Si même l'homme qui l'avait tant protégé ne le faisait plus aujourd'hui, que lui restait il ?

Tout ceci allait enfin prendre fin : il était là pour entendre le verdict. Juty'Amp s'était souvent dit, pendant la procédure, qu'il aurait été nettement plus simple de le condamner dès le premier jour, mais cela aurait retiré le plaisir à ses bourreaux de le torturer. "Qu'ils soient tous maudits, se disait il, eux et leur magie toute puissante ! D'autres viendront, de ceux qui sauront démontrer que l'on peut se passer de toute cette magie, et ils verront ... oui, ils verront !"

Il entendit à peine le rappel des chefs d'accusation prononcés, d'une voix rauque, derrière lui. Il n'avait même pas fait attention à l'arrivée du Grand Ordonnateur. Trop fatigué, trop de douleurs lui traversaient tout son corps, il aurait voulu leur dire d'aller plus vite, que tout cela cesse, mais, même cela, il en était incapable.

L'heure du verdict était enfin arrivée. A la fin de la lecture du Grand Ordonnateur, chaque juge leva une main, quasiment tous en même temps et l'une des deux boules disparut pour réapparaitre dans l'une des deux cuves. Celle qui était à gauche de Juty'Amp receptionnait les noires, et représentait sa culpabilité, tandis que celle de droite était pour les blanches et sa relaxe. En un rien de temps, chaque juge eût envoyé sa boule, et il ne fût pas nécessaire de compter dans l'une des deux cuves : il n'y avait pas la moindre boule blanche à droite de Juty'Amp.

Le Grand Ordonnateur demanda alors aux juges si un receptionneur n'était pas encore prêt. Devant l'absence de réponse, il ordonna que la sentence soit exécutée sur le champs. Les 100 juges se levèrent comme un seul homme et tendirent leur main vers Hugues Juty'Amp, comme pour l'appeler à les rejoindre. La dernière chose que vit celui ci fût de longs éclairs se diriger vers lui.

Il n'était pas nécessaire que l'exécution soit publique. Au moment même où Hugues Juty'Amp, reconnu coupable de déviance, relacha son dernier souffle, au moment où les 100 juges l'exécutèrent, 100 réceptionneurs, répartis sur différentes places de la ville, hurlèrent d'une même voix.



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Racines - Alex Haley

Pour commencer cette rubrique, autant parler d'un des livres qui m'a le plus marquée. Je l'ai lu alors que j'étais en première année de fac, je terminais tout juste cette période que certains métis connaissent, à savoir une interrogation sur l'autre pays où l'on ne vit pas mais dont on a des origines, une autre culture, une autre histoire. Je découvrais Miriam Makeba, Lucky Dube ainsi que plusieurs musiques ethniques de différents pays africains. C'est ainsi que je suis venue tout naturellement à découvrir "Racines", c'était presque un passage obligé.

J'arrête le blabla et je parle du livre, oué oué, c'est bon !



L'histoire est censée reprendre celle de l'auteur, celle de ses origines. Grâce au nom de son ancêtre, Kounta Kinte et celui d'un instrument, de mémoire, dans la langue de Kounta Kinta, le narrateur réussit à remonter jusqu'au tout premier de sa famille à avoir vécu aux Etats Unis. Ce dernier vivait à l'origine en Gambie et fût arraché à sa terre par les esclavagistes pour l'emmener aux Etats-Unis. Il y découvre les conditions de l'esclavage, des esclaves qui ont tout oublié de leurs racines africaines, l'obligation de se soumettre si l'on ne veut pas mourrir. Tout ceci se mélangeant avec sa volonté d'être ce qu'il a toujours connu : un homme libre, fier de ce qu'il est et de son histoire.
Le narrateur traverse ainsi les 7 générations, de l'esclavage à l'émancipation, la guerre civile américaine, la volonté des toubab (blancs) à ne pas perdre l'une de leur principale source de revenus puis l'impact de leur regard sur ces hommes et femmes noirs.

Je n'ai pas le souvenir d'avoir eu un avis sur la plume de l'auteur, par contre l'histoire est passionnante. On m'avait présenté ce livre comme une histoire réelle, mais bien qu'il s'avère que de forts soupçons indiquent que tout est romancé, cela ne retire rien à sa qualité.

Cette histoire a été transposée en mini série pour la télévision, d'après ce qu'on m'en a dit, quand cette série a été passée au Sénégal, une nouvelle colère, chez les jeunes surtout, s'était à nouveau fait sentir. La cicatrice profonde qu'a laissé l'esclavage en Afrique est encore bien présente et elle a bien du mal à guérir.

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