mercredi 1 avril 2009

Lettre aux parents

Ce mois ci, la nouvelle est un peu compliquée à venir. Etant pas mal occupée, et surtout écrivant pas mal depuis le début du mois de mars pour un jeu de rôle, il semblerait que l'imagination a bien plus de mal à s'épanouir. Je ne sais pas si c'est lié, entre le jeu de rôle et l'écriture ici même, quoiqu'il en soit, j'ai eu beaucoup de mal à trouver un thème pour ce mois ci.

Raison pour laquelle j'ai lancé un appel au secours auprès de quelqu'un, afin d'avoir un thème, parfois ça aide d'avoir un truc imposé. La réponse a été, de mémoire, "j'aimerais voir ce que donnerait la guerre dans l'une de tes nouvelles". Ce ne sont pas les termes exacts, pardon Miss A., mais l'idée est là.

Donc acte. A cela, j'ajoute un style auquel je voulais m'essayer depuis un moment.

Edit après écriture : laborieux, très très laborieux, même de réussir à trouver le titre ...

Bonne lecture à vous, et au mois prochain.

Très chère maman,

Quand tu recevras cette lettre, tu auras appris ma mort. Te connaissant, tu auras sûrement lu en premier le télégramme, je ne t'annonce donc rien. Je t'imagine assise dans la cuisine. Papa, lui, doit être debout derrière toi, droit comme un piquet, rien n'apparait sur son visage. Il lit par dessus ton épaule, ses poings serrés. Est ce de la colère, de la tristesse, je sais pas, je n'ai jamais vraiment su ce qu'il pouvait ressentir.

Toi, ma chère maman, tu te tamponnes le visage à l'aide de ces grands mouchoirs sentant bon la lavande, comme ces petits sachets que tu mets toujours dans le linge pour qu'un doux parfum soit toujours sur nos vêtements. Tu as dû mettre quelques temps avant de commencer à lire cette lettre, comme pour faire reculer la réalité de ma mort. Je te vois murmurer des "mon tout petit" ou bien des "pourquoi ?"

Depuis longtemps, j'ai en sainte horreur que tu m'appelles ainsi. Pourtant, aujourd'hui, cela me manque. La chaleur de tes bras pour me consoler, ta voix douce pour m'apaiser, ton sourire pour me réconforter, tout cela me manque comme jamais, en cet instant précis. Je me revois, enfant, quand après avoir été tabassé par les gamins de l'école, tu me serrais fort contre ton sein, m'imprégnant de ton amour, pour me rappeler que j'étais ce qui est de plus cher dans ton coeur.

Tu préfèrais oublier que je n'étais pas un enfant courageux, ou bien est ce tout simplement parce que cela n'avait aucune importance à tes yeux. Tu n'as jamais compris, à raison, pourquoi, alors, j'avais décidé de m'engager dans cette guerre qui n'en finit plus. Je me pose aujourd'hui la question. Pourtant, j'y ai cru en cette nécessité de combattre cet ennemi de toujours.

J'ai cru papa quand il disait qu'un homme n'est vraiment un homme que quand il prends les armes pour défendre sa nation. Lui, l'ancien militaire, lui a reçu tous les honneurs du pays. J'ai pensé qu'en prenant l'uniforme, en luttant contre cet ennemi qui, d'après nos dirigeants, voulait mettre notre pays à feu et à sang. J'ai imaginé que, d'un coup, en revêtant l'uniforme, je trouverai ce courage qui m'a tant manqué tout au long de ma vie.

Maman, je me suis trompé. L'uniforme n'est qu'un leurre pour faire oublier l'être humain à l'intérieur. Quand je regarde mes compagnons d'infortune, au delà de l'uniforme, je vois des hommes et des femmes terrorisés, perdus dans cette guerre que l'on ne comprends pas. Nos dirigeants nous parlent de cet ennemi sanguinaire, pourtant, quand on les combats, et que l'on voit leur regard, eux non plus ne comprennent pas, eux aussi ont peur.

Pourquoi nous nous sommes engagés ? Je ne sais pas, je ne sais plus. Tout ce que je sais vraiment, c'est que nous sommes dans l'erreur et que j'ai toujours aussi peur. J'ai essayé de me rappeler les paroles de papa, sur le sens du devoir, mais est ce un devoir que de voir son ami d'hier exploser aujourd'hui ? Est ce un devoir que de se dire que, peut être, demain cela sera notre tour ?

Pardon, maman, je devrais plutôt tenter de te réconforter, toi qui viens d'apprendre la mort de ton fils unique. Même si je sais que je vais bientôt mourir, je n'arrive pas à m'imaginer mort, être présent par l'intermédiaire de cette lettre mais ne plus exister, physiquement, ou que ce soit. Ne pleure pas pour moi, maman, et sois au contraire fière de moi : j'ai accepté la mort qui m'attends. Cette mort aurait pu être plus belle, elle aurait pu arriver pour mes convictions, mais même pas.

Pardon, papa, je n'ai pas pu. Tu n'auras pas eu le fils courageux que tu as toujours espéré. Mais je n'ai pas pu, je ne pouvais plus suivre les ordres que l'on me donnait. Surtout des ordres que l'on sait voué à l'échec. Comment aurions nous pu tenir ce cloaque, alors que nous étions réduits à plus de deux tiers de notre unité ? Nous n'avions nulle part où nous cacher, et nous savions que le gros des forces ennemis marchait droit vers nous ? Nous devions tenir, et ce, jusqu'à ce que les renforts arrivent, mais personne ne nous a dit combien de temps nous devions les attendre.

Oui, papa, j'ai fuit, j'ai profité de la nuit tombée, pour m'éclipser. Je suis allé me réfugier dans la ferme la plus proche. Tu seras sûrement heureux d'apprendre que le fermier qui y vit est du même acabit que toi : avance ou crève. Mais je ne voulais plus avancer justement parce que je ne voulais pas mourir. Ce fermier m'a dénoncé. Quand les nôtres sont enfin arrivés, il m'a livré, à l'aide de ses fils, aux autorités militaires.

Trouveras tu la force de me pardonner si je t'apprends que tous les hommes et les femmes de ma compagnie ont été tués ? Que je serai de toute façon mort ? Je te vois bien, là, me répliquer que seule la mort d'un héros compte, pas celle d'un lâche. Mais, mon cher papa, le résultat est le même : on est mort. Terminé les soirées avec les amis, terminé les baisers volés auprès de la jolie fille du coin. Quelque soit la façon dont on a vécu, on existe plus, point.

Maman, j'ai rarement eu l'occasion de te le dire, mais merci. Merci d'avoir été une mère si attentionnée, d'avoir voulu me protéger, de m'avoir tant aimé.
Papa, dans une heure, je vais être exécuté. L'affront que mon nom soit associé au tien doit être immense pour toi. Je ne sais pas comment j'aurais réagi si j'avais connu la suite des événements.

Je voulais vivre, et je vais mourir pour avoir eu ce désir.

Votre fils,
Hugues
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